vendredi, janvier 29, 2010

"Isaïe réjouis-toi" de Gabriel Matzneff


Il s’agit d’un roman autobiographique ayant pour thème principal le mariage. En effet, il n’est pas bien difficile de reconnaître monsieur Matzneff dans le personnage de Nil Kolytcheff, un écrivain bohème de trente-deux ans qui épouse Véronique Tourountaï dont il est éperdument amoureux. Pour Nil, qui est de confession orthodoxe, le mariage c’est sacré et il hésite longtemps avant de s’engager dans cette voie. Il finit par céder sous la pression de plusieurs personnes de son entourage qui ont une forte influence sur lui. Mais tout ne va pas pour le mieux dans cette union passionnée et orageuse. Les deux jeunes gens ont des caractères qui s’accordent parfaitement dans de nombreuses situations de la vie mais Véro ne tarde pas à se plaindre de la domination que son mari exerce sur elle. Il y a aussi l’arrivée d’Anthony, un jeune étudiant anglais âgé de seize ans dont Véro tombe amoureuse bientôt suivie de Nil. Un gentil ménage à trois se forme mais Véro désire le jeune garçon pour elle toute seule et pour arriver à ses fins, elle va trahir la belle confiance que Nil mettait en elle.

Un très beau roman qui analyse avec une finesse extraordinaire les relations de couple et la signification du mariage. J’ai suivi avec ravissement les tribulations de Nil et de Véro et très vite je me suis attachée à ces deux êtres en quête d’amour, de passion et de tendresse. Ils s’aiment, ils se déchirent, se trompent, se réconcilient, se fondent l’un dans l’autre pour ensuite s’éloigner pour échapper à cet amour délirant, passionné, profond et aussi destructeur que possible. Mais deux êtres si proches l’un de l’autre pourront-ils arriver à survivre à une rupture ? Anthony réussira-t-il à combler le vide que le départ de Nil laisse dans la vie de Véro ? Véro réussira-t-elle à s’attacher ce jeune garçon d’une incroyable beauté qu’est Anthony ? Son amour pour Nil reprendra-t-il le dessus ou est-il définitivement à l’agonie ? Et Nil dans tout ça ? Lui dont le mariage était si important et qu’il plaçait au-dessus de tout ce qui existe sur terre, comment vivra-t-il cette trahison de Véro ? Arrivera-t-il à croire encore en Dieu, bouleversé et pris dans la tourmente de cette union que beaucoup de ses proches jugent irrémédiablement vouée à l’échec.

Ce n’est pas un roman qu’il faut lire séparément du reste de l’œuvre de monsieur Matzneff car il est trop autobiographique. Je ne le conseille donc pas tellement à tous. Il faut le lire en ayant à l’esprit que l’auteur nous livre une partie de sa vie qui a été très importante et déterminante pour lui. D’ailleurs, je crois que dans le roman suivant « Ivre du vin perdu », il reprend le personnage de Nil et que c’est une suite à celui-ci. Pour vraiment apprécier cette œuvre, il faut plonger dans l’univers matznevien sans retenue et avec une belle ouverture d’esprit. Quelques scènes avec de très jeunes enfants pourront choquer le lecteur non averti mais elle ne sont pas très nombreuses et sont écrites avec beaucoup de retenue et de délicatesse. Une belle lecture donc. L’auteur nous livre de très belles phrases et des réflexions étonnantes sur la vie et l’amour que j’ai grandement appréciées.

« Ils avaient cru que leur commune tendresse pour le jeune garçon conforterait leur mariage, serait une couche de peinture neuve sur leur amour ancien. Or la fièvre tierce qui les brûle agit entre eux comme un brouillard où, à deux mètres, on ne se voit ni ne s’entend. »

« Mes yeux papillotent. Tu connais ma chambre, tu sais d’où je t’écris : Londres scintille de ses lumières jaunes, rouges et vertes. Ma lampe violette, posée sur la table, éclaire le papier, tandis que les petites taches sur ma nappe-drap parme me rappellent que mon adorable amant a mangé à l’endroit même où je suis assise. »

« Paris sépare, atomise. Un homme et une femme qui s’aiment, sont heureux, vivent en harmonie, Paris ne le supporte pas. Un couple uni, quelle désuétude ! un couple chrétien, quel grotesque ! Paris railleur, Paris qui salit et dégrade tout ce qu’il touche. Paris et son odeur de cadavre. »

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