vendredi, janvier 29, 2010

"Ivre du vin perdu" de Gabriel Matzneff

La nostalgie des amours mortes

Ce livre est la suite de « Isaïe réjouis-toi ». On y retrouve les personnages de Nil Kolytcheff et ses amis soit Dulaurier, Me Béchu, « le psychanalyste-qui-a-demandé-la-nationalité-française » et plusieurs autres. De nouveaux personnages font leur entrée en scène comme Rodin, ce banquier homosexuel de cinquante-huit ans, compagnon de voyage de Nil et qui partage son goût pour les « jeunes personnes ». Nous retrouvons aussi Angiolina, l’adolescente qui a bouleversé la vie de Nil pendant trois années avec ses colères, sa jalousie et sa folle passion.

Donc, huit années ont passé depuis le divorce de Nil d’avec Véronique, son grand amour. La liaison avec Angiolina fait également partie du passé et Nil tente d’exorciser la douleur en reprenant sa vie de libertin. Il collectionne les lycéennes et effectue de fréquents voyages en Asie, afin d’y pratiquer le tourisme sexuel avec des enfants parfois d’une jeunesse plutôt choquante. Donc, sa vie est un chassé-croisé amoureux et Nil vit dans la peur de rencontrer une de ses jeunes maîtresses alors qu’il est en compagnie d’une autre. Deux jeunes filles de la haute société se partagent son amour en priorité : Laure et Anne-Geneviève. Mais il y en a beaucoup d’autres qui entrent dans sa vie et en ressortent sans vraiment y laisser de marque significative. Mais malgré toute cette agitation des sens, Nil ne parvient pas à oublier Véronique et la douleur de la séparation est toujours aussi présente et lancinante. Un jour, il reçoit un appel d’Angiolina qui désire le rencontrer. Nil ne peut résister à l’envie de revoir son ancienne maîtresse adorée mais la rencontre s’avère désastreuse. Et Nil s’empresse de mettre en pratique ce qu’il fait encore le mieux dans les situations inextricables : il prend la fuite.

Bien entendu, le personnage de Nil n’est nul autre que l’auteur qui nous livre une partie de sa vie et des combats qu’il a dû affronter pour faire face à toutes les situations pénibles et extravagantes qu’il a souvent lui-même provoquées. Difficile de bien comprendre et cerner cet homme compliqué à la sensibilité parfois à fleur de peu et au romantisme fou qui est capable d’aimer comme nul autre mais qui se transforme souvent en monstre d’égoïsme et de vénalité en s’abîmant dans la pédophilie la plus abjecte. Il me fascine, je n’arrive pas à le détester et encore moins à le mépriser. Il est parfois si touchant de vulnérabilité que j’aurais tendance à m’attacher à lui de plus en plus au fil de mes lectures. Sa prose est parfois tout simplement magnifique. Le chapitre quatorze est un chef-d’œuvre. Gabriel Matzneff y analyse sa liaison avec Angiolina et la description des émotions, des sentiments et des bonheurs vécus à deux m’a littéralement éblouie. Je pénètre dans l’univers de cet homme étrange avec un soupçon de voyeurisme je l’avoue mais aussi avec un intérêt certain pour les motivations obscures qui dirigent sa vie et ses comportements qu’on peut certainement qualifier de déviants. Mais là, je parle en moraliste car qui suis-je pour le juger ? Je ne le juge pas, je cherche à le comprendre et cela me passionne.

Un livre que je ne recommande pas à tous, seulement aux lecteurs désireux de mieux connaître cet homme car les autres risquent de ne pas apprécier le libertinage et l’éclatement de la morale petite bourgeoise dont la plupart d’entre nous sommes imprégnés. Certains passages m’ont renversée par leur poésie et leur lyrisme fortement teinté de romantisme d’une autre époque. Très beau !

« Les amants boivent le thé, en silence. De temps à autre, ils échangent un sourire, et Nil se penche pour poser un léger baiser sur les lèvres de la jeune fille. Tous les deux, ils savourent au suprême la douceur de ces minutes. Dehors, c’est la presse, le froid, la méchanceté, mais « dehors » n’existe pas. L’unique réalité est cette chambre sous les toits où flotte, tiède, brumeuse, une odeur de plaisir et d’encens. »

« Nil n’a pas fini de souffrir. S’éloignant à grands pas, il savoure l’âcre et fatale volupté du malheur. Son bras nu encercle les épaules de Laure, dont les longs cheveux aux changeants reflets de miel, tantôt très clairs et tantôt plus foncés, coulent sur sa peau comme des pépites d’or liquide. »

« La moiteur de l’air enveloppait les rues vides d’un halo de tristesse nébuleuse. Déjà sinistre à l’accoutumée, la rue de la Glacière était, en ce dimanche d’août, à quatre heures de l’après-midi, semblable aux avenues mortes d’un cauchemar. »

1 commentaire:

Anonyme a dit...

A la lecture du livre de Vanessa Spingora et après des années de questionnement et de souffrance, je ne retire rien à l'écrivain mais je souhaite à l'homme un jour de comprendre ses méfaits et de dénouer ses propres noeuds de pervers narcissiques avant de mourir