mardi, mai 22, 2007

Le Pornographe de John McGahern

La vie et la mort

Le narrateur est un célibataire de trente ans qui vit seul dans une chambre de Dublin et qui gagne sa vie en écrivant des récits pornographiques. Sa tante, qui l’a élevée, est à l’hôpital, atteinte d’un cancer en phase terminale et il va lui rendre fréquemment visite, lui apportant des bouteilles de cognac afin d’atténuer ses douleurs malgré l’interdiction formel de l’établissement. Un soir d’ennui, il se rend dans un dancing et y fait la rencontre d’une femme de trente-huit ans, employée de banque et journaliste à ses heures. Il ne l’aime pas mais est fortement attirée physiquement par son corps vigoureux et musclé. La liaison débute donc d’une façon banale. Il la ramène chez lui et ils font l’amour sauvagement. Elle ne veut pas qu’il utilise un condom car elle est certaine d’être dans ses bons jours. Évidemment, après plusieurs rencontres et soirées bien arrosées passées ensemble, elle lui annonce qu’elle est enceinte et qu’elle désire l’épouser. Mais notre jeune homme refuse catégoriquement cette union. Il ne la laissera pas tomber mais lui prodiguera son aide de loin au moyen de conseils et d’argent. Pendant ce temps, sa tante agonise et engourdit sa douleur au moyen du cognac qu’il lui procure presque journellement.

Le récit de McGahern tourne autour de cette liaison ratée et de l’agonie de la tante bien-aimée. L’auteur fait un parallèle entre la nouvelle vie qui commence et celle qui se termine. L’histoire pourrait être d’une banalité affligeante sans l’écriture pleine de sensibilité de John McGahern qui charme le lecteur tout en l’amenant à une réflexion profonde sur la morosité de la vie et sa fragilité. McGahern nous offre dans ce récit un mélange d’humour, de cynisme et d’émouvante sensibilité qui fait de cette histoire somme toute assez commune, un régal pour tous ceux qui aiment cet auteur définitivement génial. Son écriture est remplie de petits détails qui en font une charmante mosaïque. Un livre au charme suranné qui m’a enchantée.

« Moi aussi, près d’une autre grille, je m’étais jadis senti mutilé, persuadé que je ne pouvais vivre sans elle que j’aimais ; cependant nous endurons la souffrance, de même que l’endura la première créature émergeant des eaux, après avoir vainement tenté de faire demi-tour pour fuir cette terre déserte. Une fois que nous avons goûté à la coupe infernale que nous appelons l’amour, nous savons que nous avons vécu notre propre mort, et nous commençons à aimer de façon différente dans le calme bien ordonné de chaque objet recensé et apprécié pour son imminente disparition. Nous apprenons à sourire. »

« Debout dans cette pénombre, j’écoutai les vrombissements lointains de la circulation nocturne à travers la ville. Je crus entendre un gémissement ou quelques bribes d’une prière, mais je ne pus en avoir la certitude, à cause des battements violents de mon cœur. Il n’y avait que des femmes dans cette salle, et elles étaient toutes atteintes d’un cancer. Cela me procurait l’impression de me tenir en pleine nuit au milieu d’une maternité : toute ces femmes attendaient d’accoucher, de donner naissance à leur propre mort. »

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