lundi, mai 28, 2012

"Un très mauvais ami" Pierre Falardeau

Lors d’un festival du cinéma de Lille, le cinéaste québécois Pierre Falardeau fait la rencontre du peintre hollandais Léon Spierenburg. Leur amitié durera toute leur vie et seule la mort réussira à y mettre un terme. Pendant toutes ces années, les deux hommes échangeront une correspondance qui, sans être particulièrement fournie, étonne car elle s’étend sur de nombreuses années. Le livre présente toutes les lettres écrites par Pierre Falardeau à son ami hollandais mais malheureusement, aucune du peintre hollandais et je trouve un peu dommage de ne pouvoir lire aucune missive du peintre.

Les lettres de Pierre Falardeau sont touchantes car il y exprime son vécu, ses difficultés et ses combats avec cœur et une grande sincérité. La révolte gronde en lui, la colère vient souvent lui rendre visite et il écrit son désarroi face à la bêtise des gens et à leur manque d’humanité. La correspondance débute en 1972 alors que Falardeau, âgé de vingt-cinq ans, est alors plein de fougue et d’ardeur créatrice mais la déprime vient souvent remplacer l’exaltation, le laissant terrassé devant les nombreux échecs de sa carrière de cinéaste dont entre autres les refus de financement qui l’empêchent de travailler et le mettent en rage. Il se laisse aller aux confidences en écrivant à son ami. Il s’apitoie facilement sur son sort et doute constamment de lui-même et de son talent. Il se voit comme paresseux et improductif ce qui mine sa confiance en lui et le plonge régulièrement dans un profond désespoir. L’argent est un problème récurrent dans la vie du cinéaste et il doit vivre dans une insécurité financière constante ce qui ajoute à son angoisse existentielle chronique. Heureusement, quelques succès viennent couronner ses efforts, apportant un peu d’argent qu’il s’empresse d’utiliser pour acheter quelques toiles de son ami hollandais qu’il considère comme un grand peintre. Et sa vie se déroule au fil des pages, avec ses joies et ses peines. La pensée politique de Falardeau se forge au fil des jours et des expériences bonnes et moins bonnes que la vie lui réserve. Le tout forme un récit très intime, à la limite du dévoilement impudique à réserver aux inconditionnels du cinéaste qui désirent approfondir leurs connaissances de l’homme et de son combat pour la réalisation de ses films, sans cesse entravée par le sous-financement et les problèmes de création.

Pierre Falardeau était un libre-penseur, un être à part qui a marqué la conscience populaire du Québec et dont la mort laisse un grand vide dans le cœur de beaucoup de gens d’ici. Sa sincérité, sa fougue et son goût de la polémique manquent à tous ceux qui l’ont aimé. Son profond humanisme ressort au fil des pages mais sa tendance à s’apitoyer sur lui-même est parfois légèrement agaçante. Personne n’est parfait en ce bas monde et l’homme était loin de l’être et ce livre nous permet de mieux le connaître et mieux le comprendre.

« Je trouve qu’il est difficile de créer quand il y a tant de médiocrité autour de soi. Peut-être que je suis un peu vaniteux lorsque je dis ça. Mais je ne pense pas. Je suis médiocre moi-même lorsque je ne fais rien. Peut-être que nous ne ferons jamais rien si nous attendons que ce qui nous entoure finisse par nous donner de l’enthousiasme à créer. Il faut vraiment plonger très profondément en soi-même pour trouver les forces nécessaires à la création. Sinon, nous deviendrons ce qu’ils souhaitent : de bons spectateurs, de bons consommateurs, de bons acheteurs. C’est à l’intérieur de moi qu’il faut d’abord que je trouve l’enthousiasme. »

« Maintenant, je me sens bien. Et la seule façon pour moi de ne pas mourir écrasé par mes problèmes, mes pensées, est de produire. Produire contre cette civilisation, se battre pour la tuer. Je produis pour ne pas me tuer. J’ai toujours été un homme en colère. C’est ça qui me fait travailler. Je travaille pour ne pas être tué par ma propre colère. Ce n’est pas pour avoir lu trop de livres à propos des systèmes que je suis révolutionnaire. C’est juste que je suis fatigué de toute cette merde. »

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